Lors de la journée "Plage propre" tous les participants ont été très étonnés par la présence d'un nombre incalculable de petits objets en plastique de forme ronde.
Nous avons spéculé longuement sur l'origine et la raison d'être de ces mystérieux objets.
Avec le précieux concours de Doumé et de Jean-Pierre L. qui m'ont transmis les documents ci-dessous, le mystère s'éclaircit.
Depuis des mois, des rondelles en plastique s'échouent sur les plages.
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Alors que la zone C entre est en vacances, une petite surprise, pas des plus agréables, attend les touristes qui auront choisi les plages de l'Atlantique pour destination. « Cela fait deux ans et demi que je vis au Pays basque et j'en ai toujours vu. Mais cet hiver et en ce début de printemps, l'arrivage a été particulièrement impressionnant. Par centaines de milliers », témoigne un surfeur de Biarritz. Il n'a pas eu la berlue puisque, comme lui, Landais, Girondins, Vendéens, Bretons, Galiciens ont aperçu, échoués sur le sable, ce que tous les témoins qualifient de « petits camemberts », car ressemblant aux pièces utilisées dans un célèbre jeu de société.
Les 40 antennes du réseau Surfrider se sont mises en quête d'informations sur cet ofni (objet flottant non identifié). Et c'est finalement de Corse (alors que la Méditerranée n'est pas touchée) qu'est venue la lumière. Sur une plaquette de la société Vinci pour les stations d'épuration, un membre de la fondation a reconnu l'objet.
Médias filtrants
Les roulettes de plastique, de la taille d'un ongle, sont en fait des médias biofiltrants inventés par une société norvégienne. Il s'agit de supports de culture pour des micro-organismes utilisés pour purifier les eaux usées. Autant dire qu'ils sont devenus indispensables pour toute la gamme des stations d'épuration, mais aussi pour les bassins de baignade, les industriels de l'agroalimentaire (vins et sodas), les fabriques de papier, les piscicultures, sur les bateaux de croisière et les cargos. « Le procédé est à la mode. Le comble dans l'histoire, c'est que cet objet fait pour purifier l'eau est aujourd'hui notre problème », sourit François Verdet, responsable de l'antenne Surfrider 64. Il a pris en charge le dossier et mène l'enquête sur cette désagréable invasion. « On a le sentiment que tout le monde s'en moque car ces macrodéchets, comme les pneus, les bouteilles en plastique ou les bidons, ne sont pas considérés par la législation comme des pollutions mais simplement des nuisances. Les communes doivent se débrouiller avec leurs moyens pour avoir des plages propres », s'insurge l'écologiste de la mer. Son organisation compte bien, dès que la source sera repérée, porter plainte. Elle fera également la demande de son classement comme pollution lors des Journées européennes de la mer qui se tiendront à Gijon (Asturies) en mai prochain.
« C'est disgracieux mais aussi dangereux. On estime la durée de vie de ces rondelles entre 25 et 50 ans. Et rien ne semble prévu pour le recyclage. En se dégradant, elles vont s'incorporer au sable. On se retrouve ensuite avec un plancton au plastique qui va entrer dans la chaîne alimentaire des poissons et des oiseaux marins », poursuit François Verdet.
Reste à élucider le mystère de la provenance. La méthode du Petit Poucet, consistant à remonter à la source en suivant les indices, n'a pas fonctionné. Aucun « camembert » n'a été signalé sur nos rivières, estuaires ou courants. Les stations d'épuration visitées n'ont signalé aucun problème sur leurs bassins à l'air libre. Rien non plus du côté des Papeteries de Gascogne, à Mimizan, ni sur le site DRT (Dérivés résiniques et terpéniques) de Vielle-Saint-Girons.
Sur la Seine et le Miño
Officiellement, seule l'unité de traitement de l'eau Veolia de Port-d'Albret, dans les Landes, utilise ce style de «médias filtrants». Et les leurs semblent bien gardés. Cette histoire est d'autant plus étonnante qu'a priori, il n'y a aucune raison pour que les gens s'en débarrassent. « Sauf qu'il sera toujours moins onéreux de les balancer que de les stocker », précise-t-on à Surfrider. De l'observation est venue une nouvelle piste. L'hiver, sur nos côtes, on trouve beaucoup de déchets aux inscriptions en espagnol. Les courants et les fonds marins les conduisent là. Sans tirer de conclusion hâtive, les camemberts blancs, verts, noirs ou bleus pourraient venir du pays de l'Idiazabal et du Manchego.
C'est d'ailleurs en Galice, sur la rivière Miño, début février, que des pêcheurs d'anguilles ont signalé avoir remonté dans leurs filets des milliers de bouts de plastique. Ceci en deux vagues successives. La première fois, les pièces étaient usées ; la deuxième, toutes neuves. Plus étonnant encore, il en a été trouvé en grande quantité sur la Seine, notamment sur les quais d'Asnières.
La police fluviale de Paris a été alertée par des particuliers vivant sur une péniche. Une instruction est en cours depuis le 26 février après une plainte de l'association Robin des bois.
Si les stations d'épuration, avec leurs millions de pièces utilisées, sont suspectées, il n'y a pour l'instant aucune preuve tangible de leur responsabilité. « Les camemberts que l'on trouve sur nos plages ont six ou sept formes différentes. Et on n'est toujours pas parvenu à identifier tous les distributeurs. Maintenant, nous allons chercher sur les bateaux et dans les ports. Nous sommes preneurs de tous les témoignages qui pourraient nous faire avancer dans l'enquête (1) », signale François Verdet. À ce jour, le mystère de la provenance de ces camemberts qui ont pour particularité de ne pas couler reste entier.
(1) Pour tout renseignement ou commentaire, surfrider64.com
Scan du journal Sud-Ouest
André